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Photo du rédacteurAttika Lesire

Expérience musicale 2 : William Basinski – l’entre-deux tours

Cette chronique abordera le cas de William Basinski, compositeur américain né en 1958. Ses travaux portent principalement sur la dégradation et la répétition du son.

Il est surprenant de constater qu’à l’heure où le stockage des données et des productions musicales se dématérialisent, les compositeurs de musique expérimentale se fascinent pour les supports éphémères. Pour Leyland James Kirby (article disponible ici) il utilisait les vinyles abimés par le temps, William Basinski quant à lui récupère des boucles de bandes magnétiques pour les sauvegarder sur support numérique. Il ne se contente pas de conserver leurs sons d’antan, mais bien de capturer au fil des loops la dégradation progressive de ces derniers. Les boucles se répètent et Basinski capture l’agonie du support physique.





Sa technique si particulière pourrait s’apparenter à une forme d’homéopathie musicale. En effet, certaines de ses créations sont des boucles si longues et si dégradées que non seulement le média originel est inécoutable, mais il n’est plus reconnaissable, noyé dans une atmosphère éthérique. Les bandes sons sont tellement diluées qu’il n’en reste qu’un spectre impalpable, une présence fantomatique



La destruction immanente



Dans un entretien avec Louis Ferdinand Céline, l’écrivain déclarait que dans sa longue carrière de médecin, il n’avait vu que très peu de « vrais accidents de la route ». Il affirme que pour la plupart, il n’y a pas vraiment d’incidents contingents, qu’il s’agissait en somme de suicides camouflés. Il conclut en disant que ces hommes cherchaient la mort.

Comment expliquer cette pulsion autodestructrice et surtout comment pouvons-nous la définir ?

En psychanalyse freudienne on pourrait rapprocher cela du concept de pulsion de mort. Nous précisons qu’ici, nous parlerons des destructions immanentes, c’est-à-dire sans intervention d’un agent allogène. Dès lors nous pouvons caractériser deux sortes de destruction immanente. Une destruction par un excès de puissance. Dans cette catégorie nous pouvons ranger tous les mythes, comme Prométhée, Icare… Cet excédent d’énergie est la pénalisation de l’hybris en grec (= démesure, orgueil, vertige engendré par l’excès). Nous nommerons ce concept par le néologisme suivant : Destruction Hybristique.

Dans la deuxième catégorie nous avons donc les systèmes où l’énergie se dégrade, s’enfuit à mesure du temps pour finalement arriver jusqu’à la destruction. Un mot caractérise ces organisations, l’entropie. Tentons d’en donner une définition simple, Un système ou objet est dit entropique lorsque celui-ci tend à se dégrader (ou à perdre son énergie) de son propre fait. Nous donnerons donc à ce dernier l’appellation de Destruction Entropique.


Les deux tours


Xavier Boissel, dans la revue philosophique Inculte déclarait The Disintegration Loops représentait l’entropie de l’anthropie. Cet album de presque environ 6 est devenu mythique par son processus créatif. William Basinski, lors des l’enregistrement de ses bandes magnétiques entendit un bruit sourd. C’était le 11 septembre 2001. Il vit s’échapper une épaisse fumée du quartier de Manhattan et saisit l’instant avec une photo qui fera la couverture de son album.

L’attentat des tours jumelles a été l’événement symbolique qui ouvrait le 21ème siècle avec un horizon eschatologique. Sans aller dire que cela marqua le retour du sacrée, la catastrophe imprégna au moins ce siècle d’une forme de symbolisme, de retour du mystère. Certains voient derrière cette attaque, une guerre de civilisation (Huttington), d’autres y voient une justification à la guerre en Irak avec un complot potentiel de la CIA.

Cependant Basinski donna une autre interprétation par son album. Il semble montrer un processus cyclique, de vivant/non-vivant. Il opposerait ainsi le vitalisme et l’entropie, ces deux concepts étant cyclique, il rejette donc, tout comme Céline la notion de contingence dans la destruction. C’est une vision assez orientale du temps et de la métaphysique (L’homme et son devenir selon Vedanta - René Guénon) qui rejoint sa façon de créer de la musique par la répétition des boucles. Arrivé à la fin d’un cycle, il contemple l’embrasement de la ligne d’horizon.



EN BREF...


Je vous conseille l’écoute de The disintegration Loops, mais plus encore Melancholia (2003) qui aura sans doute inspiré les ambiances cryptiques et féériques du film de Lars Von Trier.





On admirera l’excellent travail de James Elaine sur la splendide pochette de l’album. (ci-dessous, le tableau en entier, Basinski ne prendra que le haut du tableau pour son album)



A en juger par le choix des pochettes d’album, Basinski semble porter un réel intérêt à la peinture, Watermusic, Lamentation, arborent d’élégantes toiles qui donnent un aspect intemporel à l’album.

Joris Cayre.


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Jesús Alejandro Acevedo
Jesús Alejandro Acevedo
Jul 24, 2021
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