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  • Photo du rédacteurAttika Lesire

Assistance au suicide ?




Yoda est le chat noir du rez-de chaussée. Yoda est un félidé vieillissant, qui passe son temps dans ma cour pendant que son couple de maîtres est au travail.

Je pardonnais à Yoda d'être un chat. Puisque mon truc, c'est plutôt les chiens.


Chaque jour, nous nous saluions. Un matin, je remarquais un détail surprenant. Il était sale. C'est vrai que depuis le début, il avait toujours eu ce pelage noiraud, poussiéreux, épais, ébouriffé. Ça n'est pas un détail : c'est un chat. A raison d'un tiers de son temps de veille, un chat ça se lèche et s'essuie. Alors un chat sale, c'est une enquête de John Chatterton qu'il faut ouvrir. Colonne vertébrale, côtes, tibias, j'apprenais plus tard de son maître, que Yoda était lacéré d'arthrose. Mon rapport au Yoda sauvage changeait peu à peu. Lorsque je venais le voir, je ne lui imposais plus aucune caresse, mais je le laissais me tenir en respect à deux mètres de lui, attendant qu'il s'approche.

Je vérifiais d'abord si j'avais ou non l'aval du tigre de la copropriété. Quand j'ouvrais ma fenêtre et que ce n'était pas son jour, il mimait de toute sa gueule un miaulement muet -il ne pouvait miauler tellement il était mal en point- espérant que je comprenne son Non du jour.

Peu à peu, j'ai compris les codes de maître Yoda.

Peu à peu, j'ai compris que Yoda souffrait beaucoup.

Un chat, ça a la souffrance discrète.

(Une étude menée par des Australiens et des Britanniques via une technologie appelée la Cat FACS, comprenez Facial Action Coding System établi un code permettant de détecter les mouvements faciaux du chat et ses expressions associées. Lien si intéressé : https://www.catfacs.com.)

C'est alors que ce jour-ci, Yoda m'avait donné l'autorisation de lui souhaiter une Bonne journée tout en grattage de crâne, mais un spasme violent en provenance de sa colonne coupa la tentative net. Son dos fut littéralement électrisé par son système nerveux.

Crispé sur ses pattes, immobile, me survint immédiatement la question "Est-il content de vivre ?"


Je me mettais à spéculer sur les désidératas du greffier.

Comme je n'aimais pas savoir Yoda souffrant, j'ai pendant quelques secondes préféré l'imaginer mort et en paix.


Que vaut la décision arbitraire de la mort ?

Pour Yoda, la question ne se pose pas, son existence est régie par un tout autre monde.

Et pour les humains ?

Aujourd'hui, la question de la vie et de la mort, insérées dans le concept de bioéthique, représenté par le CCNE, -pastiche d'une énième agora démocratique autour des sujets de société- s'agite autour de ces questions, rythmées par des faits divers, des manifestations, des pleurs, des droit à l’enfant et à l'inverse des contre-nature. A ce titre, le spirituel intervient.

Quant aux mots, ils ne permettent pas pour autant au grand public l'accès aux choses et aux actes qui sont derrière, en particulier en matière de sciences. Ce qui vaut au passage à Hollywood et aux séries d'anticipation telles que Black Mirror un succès fou, séries qui selon une étude, accroissent le cynisme de celui qui les regarde.


Pas sûre que les croyants puissent se mettre d'accord avec les non croyants. Il n'y a pas de compromis entre les lois spirituelles d’un côté, et celle d’une éthique formelle laïque et universelle vers laquelle prétend aspirer notre société ?

Qu’est-ce qu’une dérive, si ses frontières sont délimitées par le temps, au sens absolu du terme ?


Ce soir, j’ai retrouvé Yoda. Je lui ai apporté un peu de gratin d’aubergines. Il l’a vaguement senti.

Un jour, je ne l'ai plus vu. J'ai appris qu'il avait été euthanasié par ses maîtres. Clap de fin.



Attika Lesire.

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